Bonjour Fabrizio, comment votre expérience dans le matchmaking entre startups et investisseurs a-t-elle influencé votre approche des stratégies d'adoption de l'IoT dans les entreprises ?
Je dirais que les cycles d'adoption de l'IoT si on prend le monde agricole sont étroitement liés à la connaissance du marché que les fournisseurs ont de ce dernier. A titre d'exemple, en réalisant des mapping de startups IoT pour le compte d'investisseurs (fonds d'investissement) je suis monté en compétences sur les technologies IoT disponibles à l'international les plus matures ayant un véritable intérêt pour les agriculteurs. Ce travail de sourcing m'a permis premièrement de maîtriser les technologies IoT par utilité et deuxièmement de pouvoir les confronter au besoin du marché, cela se traduisant par la réduction des cycles d'adoption (DRL / TRL).
J'ai pu ainsi auditer une centaine de startups en cherchant toujours à comprendre leur pertinence pour l'agriculteur d'aujourd'hui et de demain. Très souvent les fournisseurs prenaient l'angle technologique comme stratégie de sensibilisation au lieu de l'angle sociologique et humain qui est l'angle le plus important pour installer durablement l'IoT sur un marché aussi complexe que le monde agricole.
Pourriez-vous partager un exemple où l'adoption de technologies IoT a transformé une entreprise que vous avez accompagnée ? Quels ont été les principaux défis et réussites ?
Oui bien sur, l'entreprise Sencrop qui développe notamment des stations météo ont pu intensifier leur présence en Italie dans les réseaux agricoles par mon intermédiaire à l'époque post-covid via le CRE (chèque relance export).
Connaissant véritablement bien les réseaux agricoles italiens j'ai pu accélérer les cycles d'adoption en les mettant directement entre les mains des bonnes personnes ayant véritablement un besoin identifié en matières d'IoT. La station météo locale reste selon moi l'objet connecté par excellence ayant été le plus diffusé pour des questions simples : avoir une fiabilité d'une mesure météorologique ultra-locale en "temps réel" permet d'anticiper les prévisions et d'intervenir plus rapidement. A titre d'information le réseau Sencrop compte aujourd'hui à l'échelle mondiale 20 000 stations météo installées, ce maillage dense permet une mesure météo très précise facilitant l'agriculture de précision.
Comment évaluez-vous les différents avantages et risques liés à l'intégration de l'IoT dans les stratégies commerciales actuelles ?
Après plus de 10 ans d'expérience dans le monde de l'IoT je trouve que les fournisseurs de services IoT sont de plus en plus attentifs à l'angle sociologique et humain dont je parlais précédemment cela ayant permis une vraie réduction des cycles d'adoption. Aujourd'hui les agriculteurs sont plus avertis, beaucoup ont investi dans des stations météo car l'utilité s'est confirmé d'elle-même.
D'autres IoT/capteurs de mesure ultra-locales de la qualité du sol, de la compaction, d'apports de produits phytos, NPK, etc. combinés à des FMS (farm management system) et à des cartographies satellites ont également eu un intérêt globalement, massifiées aujourd'hui avec l'avènement de l'IA les données remontées sont de plus en plus manipulables et exploitables pour l'agriculteur.
En sommes l'IoT depuis une dizaine d'années a surtout permis de mapper le territoire de données localisées, traitées, interopérables, disponibles par la gestion des accès (consent right), apisation des services et monétisables pour les agriculteurs par le biais de l'arrivée des certifications numérisées des cahiers des charges (digitalisation des règles/points de contrôle).
Les stratégies commerciales ont eu pour avantage de créer une prise conscience des IoT existants mais dans le même temps ont eu pour désavantage de ralentir les cycles d'adoption sur le marché (trop d'IoT, tue l'IoT).
Beaucoup d'investisseurs ont investi en méconnaissance et y ont laissé des plumes, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui puisque les investisseurs se confrontent beaucoup plus au marché et ont des critères d'investissement beaucoup plus détaillés (CA minimum, etc.). Aujourd'hui l'investisseur est averti et éduqué plus qu'avant et alloue l'argent d'une façon plus minutieuse. Des experts comme moi ont permis depuis ces dernières années de leur apporter le savoir nécessaire à réaliser les audits/due diligence.
Dans le contexte actuel de l'IoT, quelles compétences ou caractéristiques recherchez-vous chez une startup avant de la recommander à des investisseurs ?
Dans le contexte actuel je regarde quasiment uniquement le CA réalisé et la capacité à tester leur IoT avec des acteurs ayant déjà réalisé de premiers investissements et donc de ce fait plus alertes et concernés par les cycles d'adoption technologiques. C'est triste de dire cela mais des technologies dont l'adoption est plus long-termiste (mise sur le marché à +3 ans) n'ont selon moi pas leur place sur le marché à l'instant T puisque leur adoption ne peut se faire dans un cycle court à 6-8 mois. Donc cela ne rend pas assez concret l'investissement pour des investisseurs/entreprises agricoles qui délaissent tout simplement ce type de financement au détriment de startups générant déjà du CA. Beaucoup de startups IoT agricoles ont subi la vague de désenchantement post phase d'excitation se retrouvant dans l'incapacité de relever.
Quelle est votre vision sur l'évolution de l'IoT dans les cinq prochaines années et son impact potentiel sur les entreprises ?
Un mot "l'IA" c'est la résultante et suite logique de la massification des données de qualité rendue possible par la captation des données fines issues notamment des capteurs IoT (stations météo, etc.) qui va permettre d'anticiper les risques agricoles en interprétant des scénarios en se basant sur l'historique des cultures enregistrées sur les années précédentes. Je parie sur la mesure de la santé des sols via des IoT (capteur de mesure de la qualité des sols) pour attribuer une note/scoring de la santé des sols permettant de rémunérer l'agriculteur sur la base de la qualité de son sol et d'accélérer la transition des sols en agroécologie, un sol en meilleur santé c'est une meilleure rémunération de l'agriculteur et une meilleure productivité. L'objectif maintenant est de trouver les bons business model pour financer cette transition agroécologique dans toutes les filières. La PAC 2025 qui intègre les aides agroécologiques à la conversion (mars 2026) permettra d'accélérer l'usage des IoT de scoring des sols notamment par les MAEC (Mesures agro-environnementales et climatiques). L'avènement des outils d'IA pour mesurer l'impact du changement climatique sur les sols sera le prochain "move" de l'IoT dans les cinq prochaines années.
Comment les entreprises peuvent-elles surmonter les résistances internes à l'adoption de solutions IoT, et quels conseils donneriez-vous aux dirigeants ?
Un seul conseil : l'expérience du terrain est la clé, s'entourer d'experts s'étant déjà confrontés au terrain, l'exemple des crédits carbones est évocateur, comment imaginer vendre des crédits carbones sur un marché non régulé sans véritable règles de marché et sans comprendre les volumes réels disponible de séquestration de carbone. L'heure n'est plus aux effets d'annonces, au buzzword, au greenwashing mais bien à la validation par l'expérience terrain et le vécu. Donnons la parole aux agriculteurs plus qu'aux technocrates. Les résistances internes à l'adoption si elles sont fondées il faut les écouter, si elles sont infondées alors faire appel à un bon expert confirmé permettra de dénouer la situation.
Dans quelle mesure l'IoT est-il un moteur d'innovation pour les entreprises que vous accompagnez, et quels secteurs sont selon vous les mieux positionnés pour en bénéficier ?
J'ai insisté ici sur mon expérience dans l'IoT agricole qui me tient à cœur pour avoir passer plus de dix années de ma vie dans cet univers, mais je pense vraiment que l'agriculture est un moteur d'innovation pour l'IoT et non l'inverse, il faut écouter les agriculteurs, n'oublions pas que ceux sont les meilleurs des capteurs par leur expérience accumulée d'année en année. Les entreprises que j'accompagne me sollicité pour gagner du temps, je traduis simplement mon expérience accumulée comme facilitateur, connecteur, business developer, leveur de fons au profit des startups et des investisseurs.
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